Violences contre les Rohingyas au Myanmar : chronique d’un conflit oublié
C’est l’une des minorités les plus persécutées au monde selon l’ONU. Les Rohingyas, principalement situés dans l’Etat d’Arakane (aussi appelé Rakhine) au sud-ouest de Myanmar (ancienne Birmanie), sont depuis 2012 au cœur d’un conflit les opposant à une minorité bouddhiste, les Rakhines.
Des tensions historiques récemment ravivées
La montée des violences, qui ont désormais une dimension communautaire et religieuse, fait suite au viol et au meurtre d’une bouddhiste en mai 2012, initialement attribué à trois musulmans dans la ville de Ramri. Deux ans plus tard et après de multiples affrontements, dont la sanglante nuit de Cheer Yar Tan, le 13 janvier 2014, le bilan des heurts s’élève désormais à plus de 250 morts et environ 140 000 personnes déplacées.
Mais le rejet dont sont victimes les Rohingyas a des origines historiques plus profondes, dont les représentations sont ancrées jusque dans le système juridique birman. Regroupant plus de 800 000 personnes, cette communauté de confession musulmane aurait fait l’objet de discriminations dès le XVIIIème. Outre les exactions physiques récentes, ils subissent également une politique de discrimination étatique. Ils ne font ainsi pas partie des 135 ethnies reconnues par l’Etat, et n’ont pas accès à la citoyenneté birmane officielle.
Une prise en compte discrète de la communauté internationale
Le retrait de la junte militaire birmane du pouvoir en 2011 avait laissé espérer une amélioration dans la prise en compte de leurs droits. Pourtant, début juillet, de nouvelles violences ont éclaté entre bouddhistes et musulmans à Meiktila (au centre du pays), à la suite du viol d’une jeune bouddhiste, étendant ainsi le conflit en dehors des frontières de l’Etat d’Arakane. Si le retour du « fait religieux » comme source de conflit fait l’objet d’une attention particulière de la communauté internationale, la situation des Rohingyas ne semble pas soulever une réaction politique et médiatique globale.
Le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a pourtant rappelé l’urgence de la situation dans un Rapport d’avril 2014, se disant « gravement préoccupé par la situation des Rohingyas et d’autres minorités de l’État de Rakhine » et « demande qu’il soit procédé à une enquête indépendante sur ces événements et que les responsables rendent compte de leurs actes, ainsi que pour les attaques contre des minorités musulmanes ailleurs dans le pays ». Plus récemment, en juin 2014 la Sous-Secrétaire générale de l’ONU aux affaires humanitaires, Mme Kang Kuyng-Wha a vivement critiqué les conditions de vie dans les camps de déplacés. Mais si la diplomatie multilatérale semble enclenchée, les actions concrètes se font attendre et les chefs d’Etats et de gouvernement restent discrets sur le sujet lors des rencontres avec le Président birman Thein Sein.
Les tensions récentes prouvent que le conflit ne semble pas s’apaiser, confirmant ainsi, comme l’a souligné Aung San Suu Kyi le 14 avril dernier que le chemin reste long, et que Myanmar « n’est pas encore une démocratie ».